25 septembre 2020
Source : https://twitter.com/MartinWinckler/status/1309473817924902912
Petit thread sur la dépression, afin de préciser ma pensée (qui n'est pas seulement la mienne, mais celle que défend un courant de scientifiques).
1/n - Les arguments s'accumulent pour dire que la dépression, comme la fatigue ou la douleur, sont des phénomènes produits par
2/n - des agressions/traumatismes psycho affectifs et ou physiques intenses, complexes, répétés ou durables. Un état dépressif n'est pas une maladie, mais une forme de réaction à ces agressions. Tout comme la fatigue qui nous pousse à nous coucher pour dormir et nous reposer.
3/n - Ce phénomène s'accompagne souvent d'une anxiété/angoisse/sentiment de vulnérabilité/inquiétude et les deux se nourrissent et s'entretiennent mutuellement. Ce qui explique que les anxiolytiques puissent améliorer temporairement les personnes qui souffrent d'état dépressif
4/n - Dans cette perspective, l'état dépressif, le chagrin, l'abattement sont des réactions physiologiques, comme la soif, la faim, la fatigue ou le besoin de dormir dont la fonction est le maintien de l'intégrité de l'organisme. L'état dépressif devient une maladie lorsque
5/n - il persiste plusieurs semaines ou mois et s'accompagne d'une souffrance morale intense, qui compromet activités et relations (et parfois pousse les personnes au suicide). A l'heure actuelle, la réponse quasi-systématique devant des symptômes de dépression (qu'ils soient
6/n - légers ou intenses) est médicamenteuse : anxiolytiques ou antidépresseurs. Les anxiolytiques sont indubitablement efficaces. Ce sont des parents des médicaments utilisés pour l'anesthésie. Pour simplifier ils émoussent l'humeur comme l'alcool et endorment. Ils ont cependant
7/n - un certain nombre d'effets secondaires et sont TRES addictifs (d'où les limitations de leur prescription depuis une dizaine d'années). Les antidépresseurs, croyez-le ou non, n'ont pour la plupart pas démontré leur efficacité contre placebo. Pourquoi ?
8/n - Parce que (on le sait depuis longtemps) l'immense majorité des syndromes dépressifs guérissent avec le temps, l'exercice physique, le soutien de l'entourage, la disparition des causes traumatiques, un accompagnement psychothérapeutique, un changement de vie, etc.
9/n - Or, tous ces facteurs d'amélioration peuvent survenir pendant la prise d'antidépresseurs, qui elle-même est souvent de longue durée. De plus, parmi les nombreux essais d'antidépresseurs (cela a été amplement documenté), les résultats négatifs ne sont pas publiés…
10/n - Les effets secondaires les plus graves (suicides, par exemple) ont aussi, très soigneusement, été mis sous le boisseau. Au total, il est très possible que certains antidépresseurs soient efficaces, mais sur un petit nombre de personnes, sans qu'on sache lesquelles. A noter
11/n - que c'est vrai de TOUS les médicaments : par exemple, parmi les utilisatrices/teurs de paracétamol, on estime que celui-ci est inefficace pour 20% d'entre elles. La généralisation des traitements antidépresseurs et anxiolytiques est idéale pour l'industrie en suggérant
12/n - (littéralement) que “La dépression c'est un problème de chimie du cerveau” qui sera résolu en donnant des produits chimiques. Cette conception balaie toutes les autres explications - sociales, professionnelles, environnementales (la guerre, les catastrophes) relationnelles
13/n - (la violence conjugale, le deuil, la maladie d'un proche ou d'un enfant), physiopathologiques (une maladie chronique) - et évite d'avoir à les traiter de front. Il ne s'agit donc pas de rejeter tout en vrac, mais de se poser des questions utiles à toutes. Et surtout,
14/n - d'examiner avec circonspection la prescription de médicaments “pour la dépression/l'anxiété”, ses avantages pour certaines personnes, ses dangers et ses inconvénients, et les discours (industriels le plus souvent) qui poussent à les utiliser. Ce ne serait pas la première
15/n - fois qu'on remet en cause une méthode thérapeutique et ses bons usages. On l'a déjà fait avec les antibiotiques : avant d'en prescrire, il faut s'assurer que la situation le justifie. On le fait aussi avec le diagnostic : la mammographie systématique avant 50 ans fait
16/n - plus de mal que de bien. Dans le cas de la dépression, la tâche est importante et complexe : les ventes de psychotropes représentent un profit colossal pour leurs fabricants. Les psychothérapies comportementales ont, pour la plupart des personnes concernées, des effets
17/n - au moins aussi bons que les médicaments, avec beaucoup moins d'effets indésirables. Les interventions psychosociales ont elles aussi des effets bénéfiques, ainsi que l'activité physique. Ou le fait d'avoir un animal de compagnie. Certes, tout ça n'est pas efficace pour
18/n - tout le monde (ni possible) mais la moindre des choses serait que les personnes concernées soient informées loyalement de la gravité (ou non) de leur état et des possibilités de soin *en dehors* des médicaments. Afin qu'elles puissent choisir en toute connaissance de cause
19/n - Malheureusement, en dehors de régions spécifiques (le Québec, par ex.) où la santé mentale est considérée comme une responsabilité sociale et non comme un stigmate, ce sont encore les médicaments qui pour les professionnelles comme pour les personnes concernées
20/fin - prennent le devant de la scène… Telle est la réflexion que je désirais amorcer en citant l'article ci-dessous. Merci de votre attention.
25.09.20